Exclusivité: Voici comment est attribuée la RIPEC C3 à LYON 1
A Lyon 1, la procédure d’attribution est terminée depuis le tout début du mois de décembre ; le président a défini les lauréats sans aucunes LDG votées. L’ensemble de la procédure s’est déroulée au gré d’informations distillées au compte-gouttes – pour la plupart dans des réunions « informelles » et sans qu’aucun compte rendu ou support n’ait été distribué aux élus. Des LDG ont finalement été votées au CA le 13 décembre. Donc à posteriori ! Mais juste avant les publications, de façon à sauver les apparences... La réalité est que les primes ont été attribuées sans même que le montant en soit fixé et sans information sur l’enveloppe disponible.
§1: Rappels sur la RIPEC
La réforme de la RIPEC (https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000044616174) a modifié en profondeur la question des primes chez les enseignants-chercheurs. Elle est structurée en trois volets :
- La partie C1 : remplace l’ancienne « prime de recherche et d’enseignement supérieur », elle est versée de façon (quasi-) inconditionnelle et intégrée au salaire mensuel. Elle est actuellement de 2800 euros bruts par an soit 233 euros par mois. Son augmentation à 6400€ d’ici à 2027 a été annoncée, mais pour l’heure, l’origine du financement n’est pas précisée.
- La partie C2 : remplace les « Primes pour Charges Administratives (PCA) » ; ce sont des primes de fonction qui s’appliquent aux directeurs de composantes ou d’unités, aux vice-présidents ou chargés de missions de l’université.
- La partie C3 : liée à la « qualité des activités et à l’engagement professionnel des agents ». Elle remplace la PEDR et étend son champ à l’enseignement et à l’engagement dans des tâches collectives, conformément aux missions des Enseignants-Chercheurs.
Cette dernière partie est évidemment la plus sensible ; comme tout mécanisme de « prime au mérite », la question de critères d’attribution peut créer des tensions au sein des équipes, du découragement pour celles et ceux qui ne l’obtiennent pas. Cela implique aussi que des collègues évaluent mutuellement leurs dossiers, en vertu du principe d’indépendance des enseignants-chercheurs.
Ainsi, les enseignants-chercheurs sont invités à déposer des dossiers décrivant leur carrière et leurs activités – principalement les 4 dernières années – qui sont évalués par le CAc restreint de l’université d’une part et le CNU d’autre part. Des notes : « réservé – C – », « favorable – B – » ou « très favorable – A – » sont données sur les volets recherche, formation et tâches collectives. Les dossiers sont ensuite sélectionnés sur la base de toutes ces notes, au titre de l’un des quatre volets suivants : 1) recherche, 2) formation, 3) missions d’intérêt général ou 4) équilibre sur les trois critères.
La transparence doit être la règle
L’efficacité d’une telle prime dépendra donc d’une évaluation juste et équitable, dont les règles d’attribution doivent être décidées et communiquées en amont de la procédure.
Comme cela est maintenant l’usage, ces principes font l’objets de « lignes directrices de gestion » (LDG) : des LDG nationales sont définies par le ministère après avis du Comité Social d’Administration (CSA) national et s’appliquent à tous ; mais elles peuvent aussi être déclinées par des LDG d’établissement, relevant du CA après avis du CSA de l’établissement. Les LDG d’établissement peuvent préciser les principes des LDG nationales mais jamais les contredire.
Les grands principes des LDG nationales :
Le ministère a publié au BO (https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/bo/22/Hebdo10/ESRH2204566X.htm) les LDG nationales :
- Le montant dédié à la partie C3 est au moins égal à 30% de ce qui est dépensé pour la partie C1 dans chaque établissement. Cela garantit que le mécanisme soit effectif dans chaque établissement.
- Les volets « recherche » et « formation » sont équilibrés : chacun concerne au moins 30% des attributions.
- Au moins 45% des EC, à terme, bénéficient de la partie C3 de la RIPEC. Là-encore, c’est un plancher minimum que rien n’interdit de dépasser.
Par ailleurs, l’établissement doit veiller à l’égalité salariale femmes / hommes dans chacune de ses décisions. Notamment, bien observer que la part des femmes bénéficiaires corresponde à la part des femmes dans l’établissement.
Tournons-nous maintenant vers nos plus proches partenaires :
- Les LDG de l’université LYON 2, précisent les modalités d’attribution selon les notes de façon positive :
- deux avis (CAc et CNU) « favorables (B)” ou “très favorable (A)” en formation pour prétendre au volet « formation » ;
- deux avis (CAc et CNU) « favorables (B)” ou “très favorable (A)” en recherche pour prétendre au volet « recherche » ;
- deux avis (CAc et CNU) « favorables (B)” ou “très favorable (A)” en investissement collectif pour prétendre au volet « investissement collectif »
- deux avis « favorables (B)” ou “très favorable (A)” dans chaque item pour prétendre au volet « équilibre ».
- Les LDG de l’INSA de Lyon ont été approuvées au CA de juin 2022. Celles-ci prévoient un montant de 4300 € bruts par an (358 € par mois) pour chaque titulaire, qu’il soit professeur ou maître de conférences.
Ensuite, la présidente attribue les primes dans l’ordre des notes, indépendamment du corps (maître de conférences ou professeur), en fonction du budget. Chaque prime est de 3500 euros, ce qui permet de toucher un maximum de personnes.
Revenons aux pratiques à LYON 1
A Lyon 1, la procédure d’attribution est terminée depuis le tout début du mois de décembre ; le président a défini les lauréats sans aucunes LDG votées. L’ensemble de la procédure s’est déroulée au gré d’informations distillées au compte-gouttes – pour la plupart dans des réunions « informelles » et sans qu’aucun compte rendu ou support n’ait été distribué aux élus.
Des LDG ont finalement été votées au CA le 13 décembre. Donc à posteriori ! Mais juste avant les publications, de façon à sauver les apparences… La réalité est que les primes ont été attribuées sans même que le montant en soit fixé et sans information sur l’enveloppe disponible.
Grâce à nos élus dans les différents conseils et groupes, nous avons récolté un certain nombre d’informations que nous communiquons ici.
- Les notes du CNU ont été ignorées par le président pour ce qui est de la partie « formation » et « tâches d’intérêt général ». Nos collègues élus dans cette instance apprécieront ! Mais on peut aussi s’interroger sur la légalité de cette pratique, dans la mesure où les textes précisent « Le président arrête les attributions […] en tenant compte des avis consultatifs reçus ».
- Les attributions n’ont pas été faites de façon cloisonnée par catégories : en effet, un avis « réservé » au titre de la recherche ou de la formation a conduit à un rejet automatique de la candidature par le président. De même, un avis « réservé » au titre de l’investissement a été écarté de tous les volets sauf s’il était « rattrapé » par des notes « très favorable » en enseignement ET en recherche.
Problème : le principe de ces avis éliminatoires n’a jamais été dévoilé avant, en particulier au moment de l’évaluation des dossiers par les membres du CAc restreint ! Les rapporteurs locaux n’ont jamais travaillé dans ce sens, et des avis « réservé » ont été émis, par exemple sur le volet recherche, pour des EC qui avaient une ou deux publications. Ou encore pour le volet « formation » à des EC qui faisaient bien leur service statutaire et remplissaient même quelques responsabilités d’UE ! Ces dossiers ont été purement et simplement éliminés. D’après nos chiffres, environ 70 personnes ont été écartées sur ces critères. A titre d’illustration, un EC qui reçoit des évaluations « très favorable » en formation ET en investissement collectif, n’a pas accès au volet « formation » de la prime en raison d’un avis « réservé » en recherche. -
Les chiffres pour cette année sont les suivants :
- Dossiers déposés : 69 PR et 203 MCF
- Primes accordées : 46 PR et 77 MCF
- Ainsi, le président a décidé de ne pas accorder la prime à 149 personnes, soit 55% des candidats. Il semble avoir appliqué de façon stricte l’objectif national de 45% de personnes qui reçoivent la prime ; mais attention ! Ce pourcentage doit s’appliquer au nombre total d’enseignants-chercheurs, pas au nombre de candidats ! Or, cette année, on aura donc un total de 123 titulaires auxquels il faut ajouter le nombre de bénéficiaires « résiduels » de la PEDR, qui sont 258. Soit 381 personnes titulaires de la RIPEC 3, sur 1058 enseignants-chercheurs que compte Lyon 1. Donc uniquement 36% de bénéficiaires.
- Les primes accordées le sont au titre :
- De la recherche pour 51% d’entre elles (58% pour les MCF !)
- De la formation pour 21% d’entre elles (17% pour les MCF)
- De l’investissement collectif pour 16%
- De l’équilibre pour 12%
- Le plafonnement du nombre de primes accordées cette année a-t-il été justifié par une limite budgétaire ? En fait non. Car dans les LDG “à posteriori” du 13 décembre 2022 une augmentation importante du montant de la RIPEC 3 est soudainement apparue : alors que la PEDR était de 4000 € pour les MCF et 6000 € pour les PR, les montants sont passés respectivement à 5500 € et 7500 €. Soit bien plus que les montants pratiqués par nos voisins (3500 pour tous à Lyon 2 et 4300 pour tous à l’INSA Lyon). Et cette augmentation concerne également les titulaires actuels de la PEDR ; soit environ 600.000 € de surcoût pour Lyon 1 qui vient pourtant de voter son deuxième budget en déficit…
Notre analyse budgétaire sur ce point est que le président a limité le nombre de primes cette année, de façon à augmenter le montant de chacune ; mais ce montant sera-t-il supportable lorsque 500 EC toucheront, à terme, la RIPEC 3 ? Dans l’état actuel des finances, non.
En attendant, l’objectif de 45% de bénéficiaires sera loin d’être atteint, même en intégrant les bénéficiaires de l’ancienne PEDR.
Nous pensons qu’il aurait été beaucoup plus responsable d’accorder plus de primes en conservant l’ancien montant, et de garder comme principal levier de soutenabilité budgétaire celui du nombre de lauréats pour les années suivantes. En effet, il est toujours facile d’augmenter le montant de primes mensuelles individuelles, mais les retours en arrière sont délicats – et difficiles à justifier auprès des personnels.
Au-delà des choix financiers et humains discutables, d’autres questions se posent :
- Pourquoi ne pas avoir saisi l’occasion d’aligner les primes des MCF sur celle des PR sachant que l’établissement semble disposer d’un budget supplémentaire ? Cette inégalité de primes selon le corps n’est pas prévue dans le décret dont la lecture mène à une prise en compte des seuls critères d’évaluation : être MCF ne signifie pas « à priori » être moins méritant !
- Pourquoi les primes accordées au titre de la formation ne constituent pas au moins 30%, comme le prévoit le cadrage national ?
- Comment va-t-on supporter les nouveaux montants de la prime, qui auront un coût de plus de 3 millions d’€ en 2026, dans des conditions financières déjà difficiles ?
- Pourquoi n’a-t-on toujours pas de projet de LDG concernant la partie C2 de la RIPEC, l’indemnité de fonction ? Quelles sont les fonctions ouvrant droit et quels sont les montants ? (rétroactifs au 1 septembre 2022 !)
- La direction a encore confirmé, lors du CA du 29 novembre 2022, la fusion avec LYON 2 en 2024. Cela signifie que les deux systèmes doivent être alignés dès la prochaine campagne ; or les directions qui sont prises ici sont opposées. L’augmentation de dernière minute décidée par le président Fleury ne met-elle pas en danger le projet ? Les trajectoires pour 2026 présentées au CA du 13 décembre n’intègrent absolument pas la question de la fusion.
Alors que tous ces sujets nécessitent de larges débats, le respect des textes et la plus grande transparence, le simple fait de récolter ces quelques informations est loin d’être simple à LYON 1. Heureusement que nos élus veillent !
Pendant ce temps, le président Fleury continue de penser qu’une vice-présidence aux Ressources Humaines n’est pas utile à LYON 1. Pas plus qu’une vice-présidence recherche d’ailleurs !